C’est un lieu commun : science et littérature sont deux mondes très différents. C’est une croyance : science et littérature seraient deux mondes inconciliables. Inconciliables ? Non. Nombre d’exemples prouvent le contraire : des scientifiques passionnés d’arts, comme Albert Einstein physicien et violoniste amateur passionné, ou des artistes férus de sciences, comme Goethe le géologue ou le physicien de la lumière, avec sa théorie des couleurs.
Bien sûr, l’art et la science proposent des points de vue différents, requièrent des compétences différentes. Reste qu’ils sont tous les deux des domaines créatifs, qui révèlent des aspects insoupçonnés de notre monde, et qui, sans l’apport d’hommes et de femmes exceptionnels, n’auraient pu évoluer. Ces personnes n’étaient pas seulement impliquées dans leurs domaines respectifs. Elles s’étaient nourries des tendances de leur époque, et parfois d’autres domaines que les leurs.
Qu’est-ce qu’un écrivain, ou un poète, peut tirer d’une découverte ou d’une théorie scientifique ou mathématique ? Beaucoup de choses. C’est ce que démontre le recueil « Dix rencontres entre science et littérature ». Il réunit dix textes issus de dix rencontres : le temps d’un soir, un scientifique et un auteur de littérature parlent de science. Le scientifique lance la discussion en évoquant les résultats de ses recherches, une théorie ou un théorème scientifique qui lui tient à cœur. L’auteur s’approprie les concepts et les questions avec sa propre sensibilité.
Un grand nombre de domaines est abordé : de la cosmologie aux neurosciences, en passant par le « big data » et l’écologie. À ces théories exposées, les auteurs ont écrit des poésies, des nouvelles ou des pseudo-essais.
Aimant aussi bien les sciences que la littérature, j’ai été agréablement surprise par ces textes. La première nouvelle de Nicole Roland sur la matière noire ne manquait pas de poésie. J’ai particulièrement apprécié le texte du théorème d’Alaoglu de Nicolas Marchal : sur base du théorème éponyme, lourd d’un jargon obscur (même pour une physicienne comme moi!), il arrive à tirer un récit basé sur son énoncé. La poésie « La terre la belle terre toute la terre » est un bel hommage à la végétation des zones semi-arides. La dernière nouvelle, « Dynamique des amours fluides » me semble par contre assez hors sujet par rapport à l’exposition scientifique « Simplicité et complexité » de Renaud Lambiotte, mais reste quand même assez plaisante à lire.
La démarche prise par les auteurs littéraires de ces textes ne me semble pas si différente de celle leurs prédécesseurs du XIXe siècle avec la science de leur époque. À l’occasion, j’aborderai certains de ces auteurs sur ce blog.
Référence : « Dix rencontres entre science et littérature » – L’arbre de Diane/La tortue de Xénon, collection Géodésiques