Jusqu’ici, je n’ai critiqué que des livres de science-fiction (et un peu de fantasy). Mais mes goûts de lecture s’étendent bien au-delà de ce genre. Pour la première fois dans ce blog, je vais faire une exception pour ce roman fort discret qui mérite d’être plus connu sur la scène littéraire. Je m’intéresse beaucoup aux œuvres de fiction sur la guerre. Il y a quelques années, j’avais lu un roman sur la guerre en Irak (« Les sirènes de Bagdad » de Yasmina Khadra), et savoir que Chronique des jours de cendre est tiré du même contexte a suscité mon envie de le découvrir. Enfin, j’avais déjà lu et apprécié un ou deux manuscrits de l’auteure Louise Caron, via le MOOC DraftQuest, que je fréquente depuis un certain temps. Chronique des jours de cendre a été lui-même révélé durant la première saison de ce MOOC, grâce au concours organisé par les Éditions les Forges de Vulcain (l’éditeur des Forges de Vulcain, David Meulemans, est aussi le CEO de DraftQuest). D’où mon intérêt pour lire ce roman, non sans appréhension. Mais mes craintes se révèlent infondées, car j’en ai retiré une belle expérience de lecture.
Quatrième de couverture
Bagdad, 2007. Le père de Naïm est tué lors d’une intervention militaire américaine. Bouleversé, le jeune artiste pacifique s’engage auprès d’une bande armée. Sa compagne Sohrab, impuissante, décide de l’accompagner dans sa quête de vengeance. Mais les doutes naissants de Naïm grandissent à mesure que Sohrab lui rappelle l’absurdité de sa situation. De son côté, Niko Barnes, soldat américain, s’interroge sur son engagement. Il couche ses pensées dans des cahiers où se mêlent souvenirs, doutes envers sa hiérarchie et culpabilité envers les Irakiens.
Les chemins des personnages finiront par se lier au hasard d’événements sur lesquels ils n’ont aucune prise, absurdes et brutaux, car nés d’une guerre dont la justice échappe à tous. Qu’est-ce qu’un ennemi ? La vengeance peut-elle appeler autre chose qu’une violence égale en retour ?
Mon impression
Chronique des jours de cendre n’est pas un livre de « sociologie des arabo-musulmans ». Même si le pays et la culture me semblent présentés avec justesse, Sohrab et Naïm me paraissent trop « occidentalisés » pour que je ressente un certain « abysse culturel » entre eux et moi. Ce n’est pas non plus un roman sur la « psychologie du terrorisme », décrivant comment un simple citoyen peut devenir du jour au lendemain un « fou de dieu ». Chronique des jours de cendre est surtout un livre sur la guerre, en particulier sur le chaos et les souffrances qu’elle génère, et dans lesquels tout le monde finit par s’y perdre.
Les protagonistes du roman sont pourtant loin d’être des machines à tuer. Aussi bien Sohrab que Niko Barnes doutent du bien fondé des actions de leur propre camp. Peut-être que, en tant que marginaux, ils avaient les moyens de pouvoir remettre en question la doxa de leur milieu. Niko Barnes, malgré sa classe sociale peu élevée et sa vulgarité, est un amoureux des lettres et de Steinbeck, et ne cesse de comparer les Irakiens aux opprimés des Raisins de la Colère. Sohrab, quant à elle, est une chrétienne issue d’une minorité ethnique, et est bien plus libre et instruite que la plupart de femmes de son pays. Elle s’inquiète ainsi de la montée de l’islamisme dans son pays, une idéologie peu clémente envers les femmes. Malgré cela, tous les deux aussi vont finir par sombrer dans l’absurdité des conflits qui gangrènent le pays.
Pas à pas, on suit leurs périples et leurs luttes intérieures, et on ne peut s’empêcher de sympathiser avec eux, de ressentir leur doute, leurs déboires et leurs souffrances, jusqu’au dénouement tragique de cette histoire. Car la guerre, c’est laid, quels que soient l’époque, le lieu et le camp auxquels on appartient. En cela, l’expérience des personnages de Chronique des jours de cendre ressemble à celle d’autres personnes dans d’autres guerres, comme la guerre du Vietnam, voire peut-être de toutes les guerres qui ont existé. Par ce livre, Louise Caron a entrouvert une porte vers l’universalité de la souffrance humaine, chose dont la littérature et les arts ne cessent de s’en inspirer.
« Chronique des jours de cendre » de Louise Caron,
Paru le 9 avril 2015 aux éditions Aux forges de Vulcain
ISBN : 978-2-919176-88-5
279 pages
Moi aussi j’appréhendais un peu de me lancer, et j’ai retardé plusieurs fois l’acquisition de ce roman de Louise. Ma pile à lire reste conséquente, mais il faudra bien que je découvre ces écrits, et ta chroniques de ces chroniques va m’aider à franchir le pas.
🙂
C’est très différent de la science-fiction et de la fantasy, bien sûr, mais si le sujet t’intéresse, il n’y a pas à hésiter. Et le style du roman est très bon aussi : très fluide, très sobre et sans lourdeur. J’y suis plongée directement. 🙂