Voici le premier article de ma série sur la planète Mars.
Cette série débutera par un voyage dans le passé, à une époque sans lunette ni télescope. Les Anciens ne voyaient Mars que comme une « étoile » plus grosse et plus brillante que les autres, qui fait des mouvements erratiques et qui a une couleur plutôt rouge, couleur que l’on voit plus clairement aux moments où cet astre se rapproche un peu plus de la Terre.
En d’autres mots, ils ne connaissaient pas grand chose sur cet astre. Mais c’était largement suffisant pour nourrir l’imagination des civilisations humaines de cette époque. Elles lui ont ainsi donné de nombreux noms1, tous liés à leur propre cosmologie.
Mars (Arès), le dieu de la guerre
C’est surtout sous le nom de « Mars » que nous désignons la planète rouge.
Les Romains de l’Antiquité avaient associé les mouvements erratiques et la couleur rougeâtre de l’astre avec les caractères de leur dieu de la guerre.
Tout comme son homologue grec Arès, Mars est un dieu fait pour le combat et les hauts faits militaires. Mais, contrairement à Arès dont l’insatiable folie guerrière peut mener à la destruction, Mars utilise la force pour établir la paix, la fameuse Pax romana de l’Empire.
Mars, et ses variantes de prononciation, est le nom de la planète rouge pour de très nombreuses langues en Europe (français, néerlandais, anglais, allemand, danois, tchèque, suédois, finlandais, irlandais…). Le tableau ci-dessous énumère quelques variantes du nom « Mars » dans certaines d’entre elles.
Nom | Langue(s) |
---|---|
Marte | Italien, portugais, roumain, espagnol |
Mapc | Russe, ukrainien, macédonien |
Meurzh | Breton |
Marwth | Gallois |
Marso | Espéranto |
D’autres noms divins de Mars
La planète Mars est aussi associée un dieu dans d’autres civilisations européennes, indiennes ou mésopotamiennes.
Au plus proche de nous, il y a Týr, dieu du ciel et de la guerre (juste) de la mythologie germanique. Les Romains de l’Empire ont tôt fait de l’assimiler à leur dieu Mars. Le mot « Tuesday » en anglais en conserve encore une référence.
Au Proche-Orient, nous trouvons Nergal (ou Nirgal), un dieu solaire avant d’être identifié plus tard à la planète Mars. Il représentait aussi la guerre, mais dans le sens de destruction, plus similaire à Arès qu’à Mars dans son rôle. Nergal était vénéré dans toute l’ancienne Mésopotamie (l’empire Akkadien, Assyrie et Babylone).
Plus tard, la Perse associe la planète Mars à leur dieu de la victoire, Bahram (ou Verethragna ou Warahrām).
Dans la mythologie indienne, Mangala (मंगल), dieu de la guerre, est né d’une goutte de sang de Shiva, dieu de la destruction créatrice, et est directement associé à la planète Mars.
On retrouve des dérivés de Mangala, que l’on nomme aussi Angaraka (rouge comme un charbon ardent), dans toutes les cultures influencées par l’Inde : อังคาร (ang-kaan) pour la Thaïlande, អង្គារ (ang-kie) pour les Khmers (correspondant au Cambodge actuel), ါဂြိုဟ်(anggagruih) pour la Birmanie, Ангараг (Angarag) pour la Mongolie…
Mars, le feu (élément de cosmologie)
Jetons un coup d’œil en Extrême-Orient, aux civilisations influencées par la culture chinoise (Chine continentale, Hongkong, Taïwan, Corée, Japon et Vietnam). Même si l’imaginaire populaire asiatique n’est point dépourvu de divinités, les astronomes chinois n’ont pas donné de nom de dieu aux cinq planètes visibles à l’œil nu dans le ciel.
Ils les ont plutôt associées à un des concepts les plus importants de la cosmologie chinoise : le wuxing, que l’on traduit par « 5 éléments ». Les éléments en question sont l’eau, le métal, le feu, le bois et la terre. Ils sont définis comme des substances naturelles possédant une propriété dynamique caractéristique que l’on utilise pour catégoriser les processus présents dans l’univers. En cela, ils ne sont pas équivalents aux 4 Éléments chez les Anciens Grecs (la terre, le feu, l’eau et l’air).
Ainsi, les penseurs Chinois ont essayé d’associer divers éléments de l’univers à ces cinq substances. Aux 5 planètes visibles à l’œil nu dans le ciel, ils ont associé les éléments suivants :
- Mercure à l’eau
- Vénus au métal
- Mars au feu
- Jupiter au bois
- Saturne à la terre
Mars correspond à l’élément du feu, qui, selon le wuxing, est nourri par le bois et peut faire fondre le métal. Les civilisations sinisées l’appellent donc « l’étoile de feu ». Dans les différentes langues des civilisations concernées, cela donne 火星 en chinois (Huǒxīng en mandarin, Fuoxing en cantonais), 火星 (Kasei) en japonais, 화성 (hwaseong) en coréen et Sao Hỏa ou Hỏa Tinh en vietnamien.
Mars, c’est…rouge
Mentionnons quelques civilisations qui ne voient en Mars rien d’autre que…sa couleur rouge !
Les Hébreux, pour qui il n’existe qu’un seul et unique dieu, ne peuvent considérer la planète Mars comme une divinité. Il l’appele ainsi מאדים (Ma’adim), « ce qui rougit ».
Les Égyptiens, malgré leur riche mythologie, appelaient la planète Mars Her Desher, « La rouge ». La couleur rouge étant pour eux, le symbole de la victoire et de la colère2.
Enfin, les Arabes appellent Mars اَلْمِرِّيخ (al-mirrīḵ). La racine du mot signifie entre autres » frotter ensemble des branches inflammables « , la couleur rouge de la planète étant associée au feu.
Labou = Mars en français ? Une « erreur » de Carl Sagan
Les noms de Mars mentionnés ici ne représente qu’un tout petit échantillon. Faute de documentation, je n’ai pas pu explorer d’autres civilisations comme celles de l’Afrique ou des Amériques.
D’autres personnes, comme le scientifique Carl Sagan, ont cherché des noms de Mars dans le plus de langues possibles. Il a ainsi rassemblé une liste de plusieurs dizaines de noms. L’Union astronomique internationale l’a ensuite utilisée pour nommer les entités géologiques martiennes3.
Cela ne veut pas dire que cette liste soit correcte à 100 %, Carl Sagan étant surtout un astronome, pas un linguiste. Ainsi, il avait noté « Labou » comme nom de Mars en français. Il va sans dire que le français standard n’appelle Mars autrement que par Mars, et que le mot Labou vient plutôt du créole, qui, loin d’évoquer la planète rouge, désignerait plus prosaïquement la boue.
Cela explique en tout cas pourquoi un lieu sur Mars porte le nom de Labou Vallis, une vallée bien loin d’être boueuse, mais qui porte un nom fort original !
Notes et références :
1. La très grande partie des noms de Mars mentionnés dans cet article proviennent de cette page du Wiktionaire : https://en.wiktionary.org/wiki/Appendix:Planets.↑
2. Foroughi et Javadi, Examining the Symbolic Meaning of Colors in Ancient Egyptian Painting Art and Their Origin in Environment, The Scientific Journal of NAZAR research center (Nrc) for Art, Architecture & Urbanism), p 69-80.↑
3. https://planetarynames.wr.usgs.gov/Page/MARS/target.↑