Il y a plus d’un an, j’avais publié un article sur des études scientifiques sur la Terre du Milieu. Mais ce ne sont pas les seules études qui existent sur ce monde de J.R.R. Tolkien. En voici trois autres du même acabit, qui explorent les peuples et créatures de cet univers sous l’angle de trois sciences : la nutrition, la psychologie et le droit.
La faiblesse des Forces du Mal : une question de nutrition?
Dans la plupart de grandes histoires, le Bien triomphe du Mal. Contrairement à ce que vous croyez, cet état de fait n’est pas du à un caprice de l’auteur mais est surtout une question de nutrition : les forces du Mal manquent cruellement de vitamine D.
Ce n’est pas une blague. Les chercheurs Joseph et Nicolas Hopkinson, l’ont affirmé, avec le plus grand sérieux du monde (hum!), dans un article du Medical Journal of Australia, un article scientifique (c’est ça!). Après une analyse approfondie des habitudes alimentaires des peuples et créatures du roman Bilbo le Hobbit de Tolkien, les auteurs ont découvert deux choses sur ces créatures maléfiques: (1) elles passent moins de temps au soleil; (2) elles ont une alimentation peu variée, pauvre en vitamine D.
Une telle carence alimentaire et nutritive semble jouer en défaveur des « méchants », vu le résultat que l’on a dans ce roman de la Terre du Milieu. Mais cela s’applique-t-il à tous les genres d’histoires? Pas si sûr. D’abord il ne s’agit que d’une corrélation statistique : que les forces du Mal manque de vitamine D ne veut pas dire que c’est ce manque qui a causé leur perte. D’ailleurs, selon les Hopkinson, d’autres recherches sont nécessaires, notamment dans les romans moralement plus ambigus.
La psychologie de Gollum
Gollum (Sméagol), créature obsédée par l’Anneau du grand méchant Sauron, est un des personnages les plus énigmatiques de la Terre du Milieu. Des étudiants en médecine ont décidé de se pencher un peu plus près sur son cas et ont publié leur analyse dans le BMJ en décembre 2004.
S’appelant à l’origine Sméagol, Gollum est déjà méchant avant de découvrir l’Anneau, et cela s’est empiré depuis qu’il s’en est emparé. Banni de son village, il se réfugie dans les Monts Brumeux et y développe une seconde personnalité, Gollum, bien plus violente que Sméagol. Son obsession vis-à-vis de l’Anneau (son « précieux ») est telle que, depuis que Bilbo le lui a subtilisé, il n’a d’yeux que pour le retrouver. En analysant sa personnalité, les auteurs ont dénoté qu’il n’a aucun signe de dépression même s’il est triste et anxieux. Son discours est désordonné et il a des tics répétitifs, comme “Oui, oui, oui” et “Gollum, gollum”. Enfin, il est paranoïaque et nerveux et a du mal à contrôler sa pensée pour toute chose concernant l’Anneau. Cependant, comme Gandalf et Frodo ont les mêmes symptômes en présence de cet artefact, on peut les attribuer à cet objet.
Plusieurs diagnostics ont été donnés. Il a été demandé à 30 étudiants en médecine ce qu’ils pensaient être la maladie de Gollum. 25 ont diagnostiqué une schizophrénie et 3 autres un trouble de la personnalité multiple. Les auteurs ont rejeté le cas de schizophrénie, attribuant les symptômes de cette maladie à l’Anneau. Concernant le trouble de la personnalité multiple, il implique que les différentes personnalités n’aient pas conscience de l’existence des autres. Ce n’est pas le cas ici, car les personnalités Gollum et Sméagol discutent entre eux et ont donc conscience l’une de l’autre.
En se limitant aux comportements qu’il a gardé depuis son enfance, ils concluent que Gollum a le syndrome de personnalité schizoïde : mal-adaptation, intérêts bizarres et comportement malveillant envers les autres. Notons qu’il ne s’agit que d’une extrapolation à partir du roman, et que Gollum doit plutôt voir un vrai spécialiste pour statuer sur son cas.
Le droit dans la Terre du Milieu
La Terre du Milieu n’intéresse pas que les linguistes, philologues et scientifiques. Même les juristes s’y sont mis. Ainsi, le 24 mars 2015, s’est tenue une conférence à la faculté de droit de Strasbourg. Comme sujet : voir quelles matières juridiques pouvaient être approchées, voire applicables dans la Terre du Milieu. Voilà qui est étrange! Tolkien est vraiment loin d’être un juriste, et son univers est on ne peut plus manichéen. De plus, le pouvoir de chaque État de la Terre du Milieu (sauf le Rohan) prend une source mythologique : les dirigeants gouvernent parce que des instances supérieures l’ont décidé (ces instances sont les Valar, être quasi-divins du monde de Tolkien).
Néanmoins, les relations entre ces « États » sont très interdépendants, et on peut y voir les bases d’une proto-communauté internationale. Le Conseil d’Elrond l’illustre pleinement, même s’il ne suit pas pleinement les règles d’un Conseil International dans notre monde. Mais, vu la réussite de leur entreprise commune (avec quelques pertes, mais bien peu), on pourrait dire que ce Conseil est une proto-organisation internationale plus efficace que l’ONU. D’ailleurs, si Tolkien avait anticipé la Cour Pénale Internationale, Sauron serait condamné à perpétuité pour ses crimes de guerre et son eugénisme (Orcs, Uruk-Hai). Mais son immortalité poserait des problèmes techniques quant à son incarcération…
Le colloque traite aussi d’autres sujets juridiques dans ce monde, que ce soit sur le lancer de Gimli (porte-t-il atteinte à la dignité des Nains?), ou les droits de mariage entre Arwen et Aragorn. En toute somme, ce genre de discussions est une bonne vulgarisation du droit pour le grand public. Le droit et la géopolitique pour les nuls!
Comme quoi, le monde de Tolkien a trois fois de plus inspiré des scientifiques un peu geeks.